"Le Président des riches. Enquête sur l'oligarchie dans la France de …

Publié le par Franck Johannès - Bernard Grignon


 

C'est un livre de combat. Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot ont passé leur vie de sociologues à examiner à la loupe les riches et les puissants, avec l'idée bien ancrée qu'ils ne doivent leur richesse qu'à la bonne fortune de leur naissance, à leur héritage culturel, éducatif et financier bien plus qu'à leurs qualités innées, ce qu'ils ont eu le talent de faire oublier. Les Pinçon l'ont patiemment démontré à travers quinze ouvrages, Le Président des riches prouve qu'ils ne s'assagissent pas avec le temps.

Les sociologues ignorent "le discours politiquement correct qui dénie toute validité à la notion de classes sociales". "Il y a une guerre des classes, c'est un fait, disait Warren Buffett, l'un des hommes les plus riches du monde, mais c'est ma classe, la classe des riches, qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la gagner." En France, Nicolas Sarkozy incarne pour les auteurs le pouvoir d'une oligarchie qu'il a constamment privilégiée depuis son accession au pouvoir, même s'il prétend incarner les aspirations des plus modestes.

"L'arbitraire de la domination et le népotisme ne doivent pas apparaître au grand jour, pour laisser aux classes dominées l'illusion que les qualités et le mérite sont bien à la base des choix du président de la République", écrivent-ils. Or, "pour contrer la collusion des élites, la connaissance de leur fonctionnement est un premier combat".

L'aventure commence inévitablement au Fouquet's, où celui qui avait indiqué qu'il serait le président de la France qui se lève tôt a fêté sa victoire avec la France qui se couche tard, dans un hôtel de luxe à 1 000 euros la nuit. Ce rite de passage, avec "les différentes composantes de la classe dominante", donne le sens du changement : "L'argent ne doit plus se cacher." Au bout de deux mois, le nouveau président baisse le plafond du bouclier fiscal de 60 % à 50 %, alors que les indemnités aux victimes des accidents du travail sont devenues imposables depuis décembre 2009 : "Le bouclier fiscal est révélateur de la base sociale sur laquelle repose ce régime, écrivent les auteurs, ce sont désormais les grandes fortunes qui tiennent les rênes du pouvoir."

Avec Nicolas Sarkozy, l'oligarchie a trouvé "son fédérateur", qui décore ses amis et place ses proches. La télévision étant "un enjeu stratégique de premier plan", les Pinçon retracent sa reprise en main par le pouvoir, de l'annonce, depuis l'Elysée, du recrutement à TF1 de Laurent Solly, directeur adjoint de campagne de Nicolas Sarkozy, jusqu'à la nomination du président de France Télévisions, à qui on supprime les coupures publicitaires pour en répartir la manne sur le privé.

L'autre caractéristique du pouvoir est, pour les sociologues, "le mélange des genres" entre l'Etat et la famille. C'est le président de la République lui-même qui bataille avec l'assemblée des copropriétaires du cap Nègre, dans le Var, pour faire installer le tout-à-l'égout dans la maison de sa belle-famille, qui force la main aux Monuments historiques ou qui essaie de placer son étudiant de fils à la tête du quartier d'affaires de la Défense.

L'inventaire est minutieux et argumenté, les Pinçons proposent en conclusion "de lancer des propositions pour contrecarrer le fonctionnement de l'oligarchie". D'abord par "la vigilance", dont le livre se veut un premier pas. Ensuite en mettant fin au cumul des mandats, en nationalisant les banques, en supprimant la Bourse... "Il faut faire des riches notre exemple, concluent les chercheurs. Leur puissance est due à leur solidarité."

 

 

Franck Johannès, sur lemonde.f du 7 septembre 2008


 

 

« LE PRÉSIDENT DES RICHES. ENQUÊTE SUR L'OLIGARCHIE DANS LA FRANCE DE NICOLAS SARKOZY »de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot. Zones, 223 pages, 14 euros.

 

 

 

 

Emission sur ce thème à écouter sur : http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/labassijysuis/index.php?id=94947

 

 

Publié dans Analyses politiques

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