Pesticides aux Antilles

Publié le par Univers Nature

Antilles : la contamination par les pesticides se fait jour


L’utilisation des pesticides n’est pas nouvelle, elle remonte aux années trente. A la fin des années soixante, les risques pour la santé et l’environnement qu’ils entraînent ont progressivement fait apparaître des restrictions d’emploi, mais essentiellement dans les pays occidentaux. Ainsi, l’insecticide chlordécone utilisé massivement contre le charançon du bananier a été interdit dès 1976 aux USA, alors qu’il aura fallu attendre 1990 pour son interdiction dans l’Union Européenne, et 1993 pour les Antilles (Martinique et Guadeloupe).

Mais ce produit n’est que la partie immergée d’une affaire dont l’ampleur, pour certains députés locaux, est à comparer à l’affaire du sang contaminé en France. En effet, pour le professeur Dominique Belpomme (1), auteur d’une expertise scientifique sur le sujet en juin 2007, 'Depuis ces 20 dernières années, la Martinique a été polluée par plus d’une centaine de pesticides, sans aucun contrôle toxicologique'.

Lors de la présentation de son expertise, D. Belpomme a relevé plusieurs certitudes comme la très forte pollution de la Martinique par les pesticides, qu’il s’agisse des sources d’eau potable, des sols cultivés, ou des zones littorales où sont pêchés les poissons que l’on trouve sur les marchés locaux…
Deux de ces produits, considérés CMR (cancérigène, mutagène et/ou reprotoxique), se distinguent plus particulièrement aux Antilles, notamment pour la culture des bananes : l’insecticide chlordécone et l’herbicide paraquat. Bien qu’interdit depuis 14 ans, le chlordécone est omniprésent pour très longtemps, sa résilience dans l’environnement s’étalant sur plus d’un siècle… tandis que le paraquat, interdit cet été, interfère avec le développement de l’embryon et ouvre la voie aux maladies conformationnelles (Alzheimer, Parkinson, diabète de type 2, etc.) selon l’expertise présentée.

Au plan sanitaire, les cancers du sein et de la prostate sont en très nette augmentation. La progression est telle, que la Martinique est aujourd’hui le deuxième territoire du monde par la fréquence des cancers de la prostate, alors que le registre des cancers n’est plus mis à jour depuis l’année 2000… Pour le professeur Belpomme, si le 'lien causal avec le chlordécone n’est pas établi, il est fortement probable que la pollution chimique engendrée par les nombreux pesticides utilisés soit en cause.' Enfin, de très nombreux nouveaux nés présentent d’ores et déjà une contamination via le cordon ombilical (étude INSERM), tandis que l’île enregistre une baisse de la natalité…

En réaction à cette étude, les réactions sont contrastées. Pour Florent Grabin, président de l’association PUMA (2), '… aux Antilles françaises, il est fréquent de voir se perpétuer des comportements qui laissent penser que seule la santé du bananier compte'. La situation est telle que face à la pollution de certains sols agricoles, 'de très nombreux maires et élus locaux n’ont trouvé d’autre solution pour remédier à ce problème que de déclasser des terres agricoles pour en faire des lotissements répondant aux intérêts immobiliers' note F. Grabin.

Politiquement, à Gauche on assiste à un front commun local, Victorin Lurel, député socialiste de Guadeloupe, n’hésitant pas à parler d’omerta (la loi du silence, N.D.L.R.) en ce qui concerne ce dossier.

Au niveau des autorités, le ministre de l’agriculture, Michel Barnier, a interdit le paraquat cet été et juge la situation très grave, tout en déclarant vouloir traiter 'la question du chlordécone avec la plus grande transparence', tandis que la ministre de la santé, Roselyne Bachelot tente de relativiser le rapport, en estimant qu’il 'pose des questions' mais 'n’apporte pas de réponse formelle'.
De son côté, l’institut de veille sanitaire (INVS) reconnaît la toxicité du chlordécone, principalement au niveau hépatique, neurologique et reproductif, mais considère que ces effets ont été observés pour des expositions beaucoup plus importantes que celles enregistrées aux Antilles (3). Par ailleurs, pour l’INVS, '…la plus grande fréquence absolue du cancer de la prostate aux Antilles, par rapport à la métropole, peut être expliquée par l’origine ethnique de la population'. (!)

Pascal Farcy, sur http://www.univers-nature.com, le 19-09-2007

1- A lire, son interview dans le numéro 15 du magazine Echo Nature.

 

2- Association PUMA : Pour Une Martinique Autrement, commanditaire de l'étude de D. Belpomme.

 

3- Pour le professeur Belpomme, cancérologue à l'Hôpital européen G. Pompidou, plus que la dose de toxine, c'est la répétition qui fait le danger.


NOTE :

Pour en savoir plus, vous pouvez consulter le site de l'ARTAC, créée et animée par le professeur Dominique Belpomme

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